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Astro-dessin

La technique de Frédéric Burgeot

1) Pourquoi dessiner en astronomie ?

C’est la question que l’on peut se poser à une époque où il est facile de faire une photo derrière un télescope, ne serait-ce qu’avec un smartphone.

Si le but est de garder un souvenir, une photo (même prise à la volée) est en effet adaptée, mais le dessin permet d’aller bien au-delà de cette démarche.

Quelques-uns des avantages du dessin astro :

a) On observe mieux :

Quand on trace un croquis, on ne se contente plus de détecter une galaxie (par exemple). Puisqu’il faut la représenter sur la papier, on veut aussi comprendre sa forme et la quantifier (est-ce une tache circulaire ? Ou un ovale ? Dans ce cas quel est le “degré d’aplatissement” de l’ovale ? Etc…) et on cherche à déceler des détails caractéristiques, par exemple les spires de la galaxie. En bref,  on se concentre et on passe du temps sur l’objet donc on l’analyse mieux.
On peut comparer avec ce que les autres observateurs ont vu. Le croquis devient un support de discussion, chacun commente ce qu’il a vu de l’objet à partir du dessin.

b) On s’instruit :

A force de dessiner la surface de la planète Mars (par exemple) on apprend et mémorise sa géographie, quand des changements surviennent sur cette planète (tempête de poussière, récession des calottes polaires, nuages) on les remarque aussitôt. Une observation visuelle passive (sans croquis) ou la photographie ne permettent pas ce travail de mémorisation dans le détail. A force d’accumuler les dessins on peut constater l’évolution de la planète au fil des années. En résumé on ‘fait de la Science’ pour soi. Quant aux objets du ciel profond (galaxies, nébuleuses etc) ils ont tous leur caractère propre, leur tirer le portrait par le crayon permet d’acquérir une connaissance intime et durable avec chacun d’eux.

2) Et si je ne sais pas dessiner ?

Ce n’est pas grave ! Pour que les objectifs au-dessus soient atteints pas besoin de faire de l’art, il suffit de faire un croquis sans viser le « beau dessin ».
Toutefois celui qui a le goût du dessin pourra finaliser son croquis pour obtenir un résultat plus évocateur (comme montré plus loin) mais les nuls en dessin n’ont pas à se sentir complexés.

 

3) Le dessin est-il un tremplin pour passer à la photo ?

Le dessin astro nécessite peu d’équipement, c’est pourquoi l’on peut penser qu’il s’agit d’une activité pour débutant et que la photo est l’étape suivante si l’on souhaite devenir un astronome amateur un peu plus sérieux.

Eh bien tout cela est faux ! On peut très bien passer toute sa vie d’amateur à faire du dessin astro, tout comme faire de la photo sans avoir jamais dessiné (c’est d’ailleurs le cas de la plupart des astro-photographes).

De plus il est inutile d’espérer faire avancer la Science avec des photos d’objets du ciel ! Dessiner ou photographier sont des activités destinées à son propre plaisir et elles permettent d’acquérir des connaissances par soi-même et pour soi-même.

4) Méthode : du croquis au dessin

 

Deux exemples :

La galaxie M104 « galaxie du Sombrero » :

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– A gauche, croquis tel que tracé à l’oculaire du télescope. Seules les infos captées sont notées au crayon graphite ; pas de coloriage, pas de finition. On peut très bien s’arrêter à ce stade-là !

– Au centre, le croquis est retravaillé pour devenir un “dessin”. Les aplats sont remplis au graphite et  l’estompe est utilisée pour créer les dégradés.

– A droite, le dessin est scanné et inversé pour lui redonner un aspect en “positif”.

Jupiter le 29 août 2021, accompagné de ses satellites Io, Ganymède et Europe :

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– A gauche le croquis pris à l’oculaire du T400. Là encore, pas de coloriage, le satellite Ganymède est croqué à part (en haut) en plus gros pour noter plus facilement les détails de surface.

– A droite, le coloriage des aplats est fait, le limbe de la planète est assombri comme à l’oculaire, le satellite Europe est ajouté à droite tel que noté sur la papier.

Le matériel

​Planchette et éclairage :

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Ma planchette à dessin est très simple : comme elle est destinée à être tenue à une seule main, elle a été construite légère. Ses dimensions surpassent à peine le format A4 (voir l’image
ci-contre sur laquelle la feuille est de ce format) et elle a été découpée dans une planche de contre-plaqué de 5mm. Les feuilles y sont maintenues grâce à une pince visible sur l’image.

 

La lampe est un détournement de liseuse Ikea. Le spot d’éclairage qu’elle procure est bien homogène. Sa pince tout comme son col articulé sont parfaits pour notre usage. La LED fonctionne sous 6V, j’ai donc enlevé le petit transformateur pour l’usage sous 220V et l’ai remplacé par deux fiches bananes, permettant la déconnexion de la planchette pour le transport à plat. Sous la planchette se trouve l’alimentation (piles de 1,5V en série), j’ai confectionné un boîtier en CTP pour l’y enfermer, il sert aussi de poignée ce qui est meilleur pour l’ergonomie d’une tenue à une seule main.

Pour le dessin des planètes, je laisse l’éclairage à fond, en blanc.

Pour le dessin du ciel profond, j’installe un filtre rouge devant le capot de la LED. C’est tout simplement un filtre astro en 31,75 que je scotche (scotch toilé) sur la tête de la lampe. Le potentiomètre (bouton noir sous les fiches bananes) ne me sert finalement pas : pour voir correctement ce que je dessine, j’ai besoin de garder un niveau d’éclairage fort, je laisse donc le potentiomètre au maxi et j’attribue à chaque œil sa fonction :

L’œil droit observe, et quand j’allume la lampe je le ferme pour éviter de l’éblouir, c’est l’œil gauche qui dessine.

Le papier :

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J’aime le papier assez lisse, dont le grain est quasi invisible dans le résultat final, quitte à ce que le pigment accroche plus difficilement qu’avec le classique C à grain. J’utilise le papier Canson Technique blanc lisse à 160g/m² pour mes dessins planétaires, lunaires, solaire et de nébuleuses.

Pour les galaxies, je recherche le rendu le plus lisse possible, sans grain. Après une période pendant laquelle j’ai utilisé du calque (bien adapté question rendu mais fragile et qui a la mauvaise manie de se gaufrer avec l’humidité), j’en suis venu à prendre du papier bristol.

Cette carte épaisse est extrêmement lisse, la mine glisse dessus, au point qu’un crayon de couleur n’y laisse quasiment pas de trace. Mais je dessine les galaxies au crayon graphite, celui-ci parvient à se déposer sans trop insister sur le crayon. L’avantage du bristol : le graphite s’étale très bien avec un crayon-estompe, ce qui donne un rendu très fondu des galaxies qui correspond bien à l’aspect diffus que ces objets prennent à l’oculaire.

Les crayons :

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Au niveau des crayons, le graphite est utilisé pour les croquis de la Lune, du Soleil et des galaxies. Le porte-mine HB 0,5 a le gros avantage de toujours donner un trait vraiment fin, pas besoin de le retailler dans la nuit. C’est idéal pour la Lune et le solaire. Pour les galaxies, je prends plutôt un “crayon de bois” (de marque Derwent) dont la mine émoussée est plus adaptée au rendu fondu, HB pour l’esquisse, puis le grade 3B pendant la phase de finalisation en pleine lumière, pour accentuer les zones les plus lumineuses de la galaxie. Les planètes présentent des couleurs à l’oculaire, parfois vives. Le mieux est de dessiner directement aux crayons de couleurs, quitte à n’utiliser que peu de nuances lors de l’esquisse, puis de préciser et d’enrichir les teintes plus tard, pendant la finalisation. Pour entretenir la finesse de la mine, il ne faut pas hésiter à retailler aussi souvent que nécessaire. Le mieux est d’utiliser un taille-crayon à manivelle, il ne casse pas la mine.

Les crayons de couleurs que j’utilise sont des Polychromos de la marque Faber-Castell, ainsi que des Prismacolor (crayons de la photo de gauche).

Ils sont intéressants sur les planètes, mais aussi sur les nébuleuses : un travail par couches successives légères permet d’obtenir un rendu tout en nuances, et si nécessaire très fondu. En ciel profond, si les images sont la plupart du temps sans couleurs, il y a tout de même des sujets qui montrent des teintes, comme M42 ou les nébuleuses planétaires lumineuses.

Notons une spécificité du dessin du ciel profond : plutôt que de dessiner avec des crayons clairs sur papier noir, je préfère tracer mon croquis sur papier blanc, en «négatif». Ainsi, les formations qui sont vues brillantes sont dessinées sombres. Après passage au scanner, le dessin subit une inversion de couleurs, rendant à l’objet dessiné sont aspect tel que vu dans le ciel, c’est-à dire clair sur fond noir. Pourquoi procéder ainsi ? Parce que je trouve que les possibilités graphiques sur papier blanc sont bien plus étendues, et parce qu’il n’est pas évident de voir sa feuille noire dans l’obscurité ! Cela veut aussi dire qu’en utilisant la couleur, il faut anticiper sur la teinte obtenue après inversion. Il est donc intéressant d’établir un nuancier inversé de ses crayons de couleurs, comme le montre l’image de gauche, et de coller sur le crayon une étiquette mentionnant la couleur complémentaire obtenue après scan et inversion.

Pour la gomme , le mieux est la classique gomme en plastique blanc, qu’on peut martyriser à loisir au scalpel pour tailler des bouts pointus, et ainsi gommer précisément de petites zones. N’oublions pas qu’une gomme n’est pas qu’un outil de correction, mais aussi un outil de dessin : elle sert à «ouvrir des blancs» lorsqu’on veut faire apparaître une zone plus claire que le reste. Cela sert aussi bien pour les planètes que pour les objets nébuleux, pour le graphite comme pour le crayon de couleur.

Entre terre et ciel sur Arte (28 août 2015)
Frédéric Burgeot, nous fait découvrir sa passion
pour le dessin astronomique

Pour plus de renseignements et de photos voir le site de : Frédéric Burgeot (http://fredburgeot.fr)

 

Voir aussi ces 2 livres écrient avec la collaboration de Frédéric Burgeot :

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On a longtemps cantonné l’astronome amateur à dessiner les jeux de l’ombre et de la lumière à la surface de la Lune, avec quelques échappées colorées vers les planètes voisines.

Quant au ciel profond, il n’était peuplé que de silhouettes fantomatiques.

De nos jours, la démocratisation des instruments de grand diamètre et des instruments dédiés à l’observation du Soleil aidant, tout un univers de couleurs, de formes et de détails s’ouvre à lui : richesse et diversité des paysages lunaires, flamboiements des protubérances solaires, débauche de finesse des bandes nuageuse de Jupiter, morphologie ciselée des galaxies, suaves tonalités colorées des minuscules nébuleuses planétaires et autres nébuleuses diffuses géantes…

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Au célèbre triptyque interrogateur où, quand et comment observer, le tome 1 d’astro-dessin a brillamment répondu. Vient maintenant le temps de savoir quoi observer… et dessiner.

Le présent tome 2 décrit la faune cosmique en respectant la classique dichotomie : objets « faciles » de notre Système Solaire, objets « difficiles » du ciel profond.

Nul besoin de vous faire un dessin pour illustrer, par exemple, le gouffre qui sépare la fulgurance du jaillissement de la couronne solaire après le deuxième contact d’une éclipse totale de Soleil de l’immuabilité, à l’échelle d’une vie humaine, des galaxies et autres nébuleuses diaphanes. Soleil, Lune, planètes, comètes, nébuleuses, amas d’étoiles et galaxies : pour chaque grande catégorie d’objets célestes, les auteurs d’Astro-dessin vous prodiguent les bons conseils pour en dessiner leurs subtilités intrinsèques…

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